Impossible pour elle et sa fille de déposer un bulletin d’extrême droite dans une urne. En revanche, dimanche 24 avril, cette Carmausine n’a pas voté pour le candidat LREM. ““Je ne voulais plus voter pour Macron”, a-t-il déclaré. Je l’ai fait en 2017, pour bloquer Marin Lepen. » Explique : “Il est le président des riches. Mais pour des gens comme nous, à Carmaux, il n’a rien fait. J’ai une petite pension, je suis seul et j’habite dans un logement social. “Une fois les factures payées, il ne reste plus grand-chose.”
Présidentielle 2022 : visualisez le vote de la ville et le vote de campagne sur nos cartes Comme ce retraité, beaucoup d’entre eux, dans l’ancienne cité ouvrière, n’ont pas renouvelé leur vote pour Emanuel Macron. En tout, le président réélu a perdu 821 voix entre 2017 et 2022, soit une baisse de près de 17 points en cinq ans. C’est aussi l’une des villes où la cote du président sortant a le plus baissé. En 2017, Emanuel Macron a terminé largement en tête, avec plus de 63% des voix, contre 36,83 pour Marin Le Pen. Cinq ans plus tard, la barrière contre le parti d’extrême droite est tombée. Le candidat du RN domine, avec plus de 53 % des suffrages. François Bouyssié, élu PS à Carmaux (Tarn), le 28 avril 2022. (FLORENCE MOREL / FRANCEINFO) Pourquoi un tel changement ? “Macron est moins séduisant”, a déclaré François Bouyssié, 34 ans, leader de l’opposition de 34 ans. PS “Je n’ai pas voté pour lui au second tour. Ce n’était pas possible. Il s’agissait de voir le score de Marin Le Pen”. monter.» Mais après cinq ans au pouvoir, le socialiste n’a pas voulu donner carte blanche au président sortant. Il faut dire que la gauche a marqué l’histoire de la ville du Tarn. En 2020, Carmaux était un fief socialiste des siècles, qui a vu grandir la figure emblématique de Jean Jaurès. C’est aussi ici que François Mitterrand a débuté sa campagne à l’Elysée en 1980, lançant ainsi une tradition socialiste : un passage par la cité minière presque automatiquement à chaque campagne, comme un pèlerinage, respecté jusqu’en 2017. Tous les candidats du parti s’y arrêtaient. Autrefois attractive et dynamique, portée par les emplois dans les mines environnantes, Carmaux a perdu de sa grandeur. Plus de 5 000 habitants ont fui la ville depuis les années 1970, selon l’INSEE, passant de 14 755 en 1968 à 9 641 en 2018. Désormais, la ville est majoritairement habitée par des retraités. Le chômage frappe 35,6% des jeunes de 15 à 24 ans et plus d’un tiers des actifs n’ont pas de diplôme. Depuis le début des années 2000, la mine ne fait plus vivre les locaux. La majorité des salariés sont des fonctionnaires régionaux, des salariés d’un centre d’appels ou d’une entreprise d’insertion de personnes en situation de handicap. Jean-Louis Bousquet, maire sans étiquette de Carmaux (Tarn), dans son bureau de mairie, le 28 avril 2022. (FLORENCE MOREL / FRANCEINFO) Un terreau fertile pour la poussée RN, synonyme de colère, selon le maire de la ville Jean-Louis Bousquet (pas de tag). “On voit à travers ces résultats que la Coalition nationale est un refuge pour les mécontents”, analyse l’élu, qui ne cache pas sa sensibilité de gauche, alors qu’il a refusé de s’engager derrière un parti. “Enfin, si on leur fait une offre différente et sensée, les Carmausins sont prêts à partir. Ce ne sont pas des extrémistes. Ils cherchent juste une ouverture et manifestent leur mécontentement.” Pourtant, Carmaux est loin d’être méditerranéenne. A 15 minutes en voiture d’Albi, la ville est accessible en train et en bus, même si les horaires ne permettent pas vraiment de satisfaire vos salariés aux horaires instables. D’où vient cette indignation ? Pour Richard Navarro, secrétaire du département carmausine de la CGT, c’est la question du pouvoir d’achat qui était cruciale dans une ville où le taux de pauvreté dépasse les 20 %, selon l’Insee. “Ici, les gens travaillent dans de petites structures. Il n’y a pas de CPE avec des coupons de marché ou des remises sur les activités. Petits patrons, bas salaires, chômeurs… Tout le monde a une voiture pour se déplacer. Et l’essence coûte cher”, explique-t-il. Aux ronds-points, à l’époque du mouvement des “gilets jaunes”, les gens luttaient pour garder leurs écoles, leur place, leurs services publics. C’est le sentiment d’abandon.” Richard Navarro, secrétaire du service local CGT chez franceinfo Le syndicaliste lui-même l’a vu : même les salariés ont du mal à boucler le mois sans heures supplémentaires. “Je suis fonctionnaire dans la fonction publique régionale”, explique-t-il. Certains de mes collègues, qui gagnent 1 700 euros par mois, ont du mal à joindre les deux bouts. Ils vont voir leurs amis qui travaillent dans le secteur social et leur demandent tranquillement de l’aide en disant : « Je ne peux plus payer mon loyer ni nourrir mes enfants ». S’arrête. “Ce sont des ouvriers”, répète-t-il, surpris. Richard Navarro, secrétaire local du département CGT de Carmaux (Tarn), dans les locaux historiques de l’association, le 26 avril 2022. (FLORENCE MOREL / FRANCEINFO) Dans un café de l’avenue Albert-Thomas, l’axe qui traverse la ville pour rejoindre Albi, la préfecture, un père et sa fille ne s’en cachent pas : au premier tour, quelqu’un a donné sa voix à Jean Lassalle, un « honnête et local “. L’autre, à Nicolas Dupont-Aignan (Debout la France). Logiquement, au second tour, leur choix s’est porté sur le candidat du RN, “pour le pouvoir d’achat”. Après le débat entre les deux tours, il lui est “impossible” de voter pour “le président des riches”. Titulaire d’une maîtrise d’histoire médiévale, la jeune femme décroche un emploi de caissière dans la grande distribution. Contrat 30 heures par semaine, à 1 100 euros par mois, en périodes incompatibles avec celles des transports en commun. S’il allait encore à l’ancien cinéma du centre-ville, le Lido, il y a quelques années, est désormais révolu. Dans ce qui vient d’ouvrir, la position plein tarif est à 7,80 euros, alors que l’ancienne proposait une formule cinéma-goût à 4 euros. Il en va de même pour la piscine. Les prix ont augmenté depuis sa rénovation. La puissance de nage peut maintenant être mesurée sur les doigts d’une main. Cette montée de l’extrême droite ne surprend pas Vincent. Infirmier libéral, Carmausine, 52 ans, a vu la gauche quitter sa circonscription. Il se souvient d’une blague personnelle, selon le même emblématique des résultats des élections. “Il y a vingt ans, quand une association de carrières s’est constituée, à laquelle on m’a demandé de participer, ce sont les socialistes qui sont venus voir ce qui se passait. L’an dernier, un militant RN a contacté le président de l’association. Pas la gauche.” Dans la cité de Jean Jaurès peu croient que les résultats d’avril seront reconduits pour les élections législatives des 12 et 19 juin. “Le débat sera différent et le RN ne gagnera pas”, assure François Bouyssié. Car l’ancrage local du RN, en mairie ou dans l’appartement, reste faible. En 2017, la députée Marie-Christine Verdier-Jouclas (LREM) s’était imposée dans la 2e circonscription du Tarn avec 66,14 % des voix face à la candidate RN Doriane Albarao (33,86 %). Cinq ans plus tard, le barrage de carmausine se relèvera-t-il ?