Un document du Haut-Commissariat à la transparence et à l’information sur la sûreté nucléaire (HCTISN) en date du 10 octobre 2019, consulté par l’Unité de recherche de Radio France, permet de comprendre l’ambition d’EDF en la matière. L’entreprise a mis en place un cadastre national, qui a été confié aux Sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (Safer), organismes chargés de la régulation du marché foncier agricole dont le rôle a été maintes fois critiqué. Extrait d’un rapport du Haut Comité pour la transparence et l’information sur la sûreté nucléaire, 10/10/19. (CELLULE DE RECHERCHE DE RADIO FRANCE) “La quasi-totalité des centrales nucléaires (CNPE)”, autrement dit les 19 centrales nucléaires françaises (soit 56 réacteurs, dont la moitié sont actuellement à l’arrêt), sont concernées par cette exploration foncière, selon le document transmet la position d’EDF. Officiellement, aucun choix n’a été fait pour l’utilisation de ces terrains, mais cette note du Haut-Commissariat à la Transparence et à l’Information sur la Sûreté Nucléaire révèle néanmoins la principale préoccupation d’EDF : pouvoir anticiper l’installation de la nouvelle génération de réacteurs – l’EPR2. Un rapport écrit, daté du 15 mai 2019, rédigé par une source proche de Safer, auquel Cellule recherche de Radio France a pu accéder, confirme cette hypothèse. Résume la position de l’électricien français sur les questions foncières. Concrètement, vous pouvez lire ceci : « La réduction du parc nucléaire entraînera la fermeture de 14 réacteurs d’ici 2035, mais n’entraînera la fermeture d’aucun site. Pour remplacer les anciens réacteurs, l’EPR pourrait être construit. Dans ce contexte, EDF souhaite renforcer environ 16 centrales nucléaires (sur 19 en France) pour en accueillir : sur 2). » Interrogé sur l’objectif, EDF (dont l’Etat détient 84% du capital), explique que cette recherche foncière « ne nécessite pas de décisions futures pour la réalisation des projets, quels que soient leur nature et le choix des sites alors qu’il faudrait être affecté “. Concernant le projet de construction de nouveaux réacteurs nucléaires, EDF note que “les procédures de gestion foncière en cours sont couvertes par le secret des échanges entre les parties”, mais “cela ne préjuge en rien des décisions futures sur la réalisation de ces projets.” EPR2″ et leur installation, qui relèvent de l’État. Cela n’exclut pas non plus la possibilité de réaliser d’autres projets industriels dans ces localités ». Lire la réponse d’EDF à la cellule de recherche de Radio France “Lorsque nous avons posé des questions sur le véritable objectif de ces achats de terrains, la réponse était très vague”, a déclaré Anne-Marie Brunet, qui habite aux Loyètes, non loin de la centrale électrique du Bugey. Plusieurs membres de sa famille ont été approchés par Shaffer. “On nous a dit qu’il pouvait être utilisé pour ce qu’on appelle du ‘gros carénage’, des travaux destinés à prolonger la durée de vie des centrales électriques d’aujourd’hui, pour le retraitement des déchets ou peut-être autre chose”, a déclaré Anne-Marie Brunet. Nous avons compris qu’aucune décision n’avait été prise et que ce serait à l’État de trancher. » Extrait d’une lettre envoyée en juillet 2019 aux habitants des Loyètes. (CELLULE DE RECHERCHE DE RADIO FRANCE) “L’EDF cache des informations”, a déclaré Joël Guerry, porte-parole du Sortir du noyau au Bugey. “d’hectares qu’EDF aimerait cultiver, comme le montre un document du Bugey-Côtière-Plaine de l’Ain (Bucopa) Association paritaire, en date du 22 juin 2021. Extrait du rapport répertoriant l’extension foncière apportée par EDF, en complément des terrains dont il est actuellement propriétaire. (CELLULE DE RECHERCHE DE RADIO FRANCE) Joël Guerry est membre de la Commission locale d’intelligence (CLI), qui a pour objectif d’informer les élus et les associations sur les questions nucléaires. Le 5 mars 2019, il interroge le directeur de la centrale du Bugey, Pierre Boyer, sur le manque de transparence à ses yeux sur les projets fonciers d’EDF. “Il n’est pas question de procéder de manière discrète ou masquée”, répond le directeur de l’usine. (…) Pourquoi la perspective ? Pour la sécurité des espaces industriels. Il est de notre responsabilité première de gérer le présent et l’avenir. Pourquoi avez-vous besoin d’espace? Sur la grande foire, c’est un gros projet industriel, deux milliards d’euros en dix ans, qui peut nécessiter de l’espace pour que des prestataires interviennent et nécessite des bâtiments supplémentaires. La deuxième raison concerne les réacteurs. Leur durée de vie n’est pas infinie. Il viendra un moment où ces réacteurs devront être démantelés. Cette déconstruction nécessitera des actions spécifiques qui nécessitent de l’espace. (…) Il y a aussi les travaux de construction de nouveaux réacteurs si la décision est prise, dès 2021 par l’Etat. Nous nous préparons donc à toutes les éventualités. “Aucun n’est plus probable que l’autre.” Travaux sur des centrales existantes, démantèlement de réacteurs, sources d’énergie renouvelables ou installation de nouveaux EPR : sur le papier donc, toutes les options restent ouvertes, indique le directeur de la centrale du Bugey, selon la position officielle d’EDF. Mais si rien n’est encore formellement décidé, le site semble se préparer à accueillir un nouvel EPR. “On porte nos plus beaux vêtements pour être prêts le moment venu”, explique le directeur de l’usine en mars 2022. “Jusqu’à fin 2019, EDF ne parlait pas d’EPR, c’était toujours une extension pour diverses choses, comme en témoigne Joël Guerry. Or, le 12 décembre 2019, la communauté des communes de la plaine de l’Ain s’est prononcée en faveur de la revendication d’un couple EPR au Bugey, suivie le 16 décembre 2019 par le département et les communes des Loyettes et de Saint-Vulbas. “De là, nous avons vu clairement que nos hypothèses étaient confirmées : il y avait bien un projet d’EPR sur le site du Bugey.” Cette volonté d’accueillir de nouveaux EPR apparaît également dans un extrait d’un arrêté du Président du Syndicat Mixte Bugey-Côtière-Plaine de l’Ain (Bucopa) de juin 2021. On peut lire qu’« il s’agira de planifier en spécifiques (…) les conditions que la région entend poser pour l’accueil d’un couple de réacteurs nucléaires de nouvelle génération, dits EPR, dans une extension du site du CNPE [Centre nucléaire de production d’électricité] du Bugey.” Anne-Marie Brunet, conseillère d’opposition aux Loyettes (dont le maire est un ancien fonctionnaire d’EDF), fait la même remarque : certains élus locaux sont favorables à la mise en place de l’EPR. Il a pu s’en rendre compte à l’occasion de la modification du plan local d’urbanisme (PLU), nécessaire à la construction d’équipements industriels sur des terrains agricoles achetés par EDF. “Beaucoup de maires des communautés autour des centrales sont d’anciens travailleurs du nucléaire et sont donc pleinement engagés dans la création éventuelle de projets liés au nucléaire”, explique-t-il. Autour de la centrale de Chinon en Indre-et-Loire, EDF envisage 120 hectares supplémentaires. Dominique Boutin, voisin d’usine et militant antinucléaire, est membre du comité préfectoral des espaces naturels, agricoles et forestiers. “Lors d’une réunion d’élus venus présenter leurs projets fonciers à l’automne 2018, nous avons appris dans une proposition qu’il fallait garder 120 hectares pour EDF”, a expliqué Dominique Boutin. Personne ne savait! C’est comme si tout se faisait en secret. Cela a dérangé beaucoup de gens, alors le comité a décidé …