Son nom était finalement devenu aussi célèbre que celui de ses clients. Mino Raiola est décédé à l’âge de 54 ans, a annoncé sa famille sur Twitter samedi 30 avril. “Avec une immense tristesse, nous annonçons le décès du programme de joueur le plus attentionné et le plus brillant qui ait jamais existé”, ont écrit ses proches. En trente ans, l’agent italien était devenu l’un des acteurs incontournables du marché des transferts footballistiques. Pour signer Zlatan Ibrahimovic, Paul Pogba, Marco Verratti ou pour chasser, espérons-le, la pépite norvégienne Erling Haland, les présidents de club ont dû composer avec Raiola, sa personnalité et ses manières. “Mino, c’est le mec qui peut se rendre dans le salon VIP d’un match de Ligue des champions en short et chaussures”, rigolait son collègue Bruno Saten dans une interview au Monde en 2014. Lire aussi : Mino Raiola, fabricant de Zlatan
“Il ressemblait à l’un des gars de la série ‘Soprano’.”
Zlatan Ibrahimovic raconte sa première rencontre avec son futur porte-parole au début des années 2000 : « La première fois que j’ai vu Minos, j’ai cru que c’était une blague (…). Ça ressemblait à un des types de la série Soprano, un jean, un tee-shirt Nike avec un ventre énorme”, décrit le Suédois dans Moi, Zlatan Ibrahimovic (JC Lattès, 2013). Le costume et la cravate et l’entretien physique, très peu pour lui. Raiola a tout laissé à Jorge Mendes, l’autre programme de superstar. La trajectoire des deux hommes raconte pourtant la même histoire, celle de deux haut-parleurs partis de rien, pour devenir des personnages aussi conséquents que désapprouvés dans le mercato, ce spectacle devenu permanent dans l’économie du transfert. A chacun sa légende. Mendes est le propriétaire d’une boîte de nuit dans le nord du Portugal qui est devenu le boxeur de Cristiano Ronaldo. Mino Raiola était un ancien pizzaïolo qui parlait sept langues et possédait une fortune personnelle estimée à 50 millions d’euros. Non sans quelques zones d’ombre. L’agent a ainsi été impliqué dans le scandale des “Football Leaks” au milieu des années 2010, qui a révélé des preuves d’évasion fiscale dans le commerce du pied. Né le 4 novembre 1967 à Nocera Inferiore (région de Campanie, Italie), Carmine (de son vrai nom) n’a qu’un an lorsque ses parents s’installent à Haarlem, aux Pays-Bas, où il fonde le Ristorante Napoli de la famille Raiola. S’il ne met pas une seule pizza au four, Mino aide à la vaisselle, au service et met le nez dans les additions. Il prend aussi le temps d’échanger avec les dirigeants du FC Haarlem. « À un moment donné, ils lui ont juste dit : puisque tu en sais tant, pourquoi n’entres-tu pas dans l’administration ? “, un journaliste local, Edwin Struis, témoignait à l’Agence France-Presse en 2016. Mais le jeune homme ne reste pas longtemps directeur sportif d’un club très modeste quant à ses ambitions. En 1993, il a placé deux des stars de l’Ajax Amsterdam, Dennis Bergkamp et Wim Jκnk, à l’Inter. Mino Raiola ne servira plus jamais de pizza. Le résident monégasque depuis 1996 impose son style et ses méthodes. Il ne signe aucun contrat formel avec ses protégés et n’hésite pas – comme Mendès – à voler des clients à ses collègues. Et, comme le Portugais, il exerce un pouvoir de charme sur ses joueurs. Pour les défendre, Raiola les projette comme des tableaux (Zlatan est donc sa Joconde, le Garde de nuit de Rembrandt de Matthias de Ligt) et s’affronte pour défendre leurs intérêts et les siens. “Il n’est pas ami avec les patrons du club, mais il est avec ses joueurs. “Dès qu’ils ont un problème, il va les voir”, confessait un de ses confrères au Mondial en 2014.
Négociations excessives et serrées
Toujours entre deux avions, l’homme encaisse autant de kilomètres que de relevés bruyants. De Pep Guardiola (alors entraîneur de Barcelone et fâché avec Ibrahimovic), il a avoué au Mirror tout son mépris. “En tant qu’entraîneur, il est fantastique, mais en tant qu’être humain, il est absolument nul, un chien, un lâche. En 2012, il a qualifié l’idole néerlandaise Johan Cruyff de “tête vieillissante” avant de s’excuser. La même année, l’Italien place la “Mona Lisa” d’Ibrahimovic à Paris et devient l’agent privilégié des dirigeants du Paris Saint-Germain. Lorsque le club parisien fait signer le gardien italien Gianluigi Donaroma en juillet 2021, au risque de fragiliser l’actuel Kaylor Navas, certains voient l’influence de Raiola sur le directeur sportif Leonardo. En 2016, Mino Raiola a une fois fait de Paul Pogba le joueur le plus cher de l’histoire avec un transfert de 120 millions d’euros à Manchester United. Ces derniers mois, l’agent a multiplié les déclarations et pistes (comme celle du PSG) sur l’avenir de son protégé, dont le jeu l’a fait réfléchir aux créations de l’artiste Jean-Michel Basquiat. Désormais, le monde du football devrait vivre sans les exagérations, les négociations serrées et les références artistiques de Carmin Raiola. Alexandros Pedro